Annoblissement de Kylah

Il ne fut pas très difficile au Comte de se rendre compte qu'il n'avait pas été très pédagogue, son jeune âge y était sans doute pour quelque chose. Il allait dire quelque chose, n'importe quoi qui efface sa maladresse et rassure la femme mais déjà, elle lui présentait son époux étant légèrement moins laconique de fait.

Le comte salua l'homme cherchant au fond de lui même, à quelle occasion il avait déjà entendu ce nom... Rien à faire, cela ne lui revenait pas. Il était bien trop jeune lorsque sa mère lui avait parlé de cet homme qu'elle avait voulu baptiser en vain, la cérémonie ayant été interrompu par un fou, trop jeune pour qu'il s'en souvienne encore du haut de ses quatorze ans.

Ravi de faire votre connaissance dit-il tandis que ce nouvel interlocuteur l'interrogeait sur sa fonction faisant naître un sourire sur les lèvres de Yueel-Arystote et étouffer un rire qui pourrait être interpréter comme de la moquerie pour qui ne le connaissait pas.

Fort heureusement non ! Il serait malvenu qu'un jeune garçon de quatorze ans comme moi enseigne le maniement des armes avant même d'avoir fait les siennes. En réalité, le Maître d'Armes s'occupe de la gestion administrative de la Noblesse, pour résumer brièvement.

Puis sur le ton de la confidence.

Je n'assure que l'intérim. C'est la Comtesse Illustre qui occupe ce poste normalement mais le cumul étant interdit je la remplace jusqu'à la fin de son mandat.

Jaugeant la salle, le Maître d'Armes par intérim donc, se dit que la Cérémonie pouvait sans doute commencer aussi, il se tourna de nouveau vers Kylah.

Je crois que tout le monde est là non ? Nous allons pouvoir commencer et soyez rassurée, tout se passera bien, c'est plus simple qu'il n'y parait...

Sab observait l'assistance et les belles tenues ... mais elle commençait à trouver le temps long.
Elle croisa donc les bras et inspecta ses mains. Toujours quand elle s'ennuyait et comme elle aimait les mains bien soignées, elle
scruta les siennes avec minutie.

Kylah avait écouté d'une oreille la conversation que son époux avait eue avec le Maître de cérémonie. La nervosité la gagnait de plus en plus à mesure que le temps passait. Et il passait lentement, très lentement. Ses pensées divaguèrent quelques peu...Puis elle fut ramenée à la réalité de la salle du château d'Eavan lorsque le jeune Comte s'adressa à elle.


Je crois que tout le monde est là non ? Nous allons pouvoir commencer et soyez rassurée, tout se passera bien, c'est plus simple qu'il n'y parait...

Kylah hocha la tête.

Pour ma part, je n'attends pas d'autres personnes; il y a déjà bien plus de monde que ce à quoi je m'attendais.Donc tout le monde est là.. Un sourire courtois pour ponctuer cette phrase.

Permettez-moi juste un instant d'aller saluer notre Marquise. Kylah enjoignit le geste à la parole et délaissa le jeune Comte et son époux quelques instants, le temps d'aller saluer Hersende. Elle y mit les formes, comme il se devait. Puis elle en revînt assez rapidement vers le maître de cérémonie pour qu'il officie.

Si Eavan est prête à commencer... Pour moi, nous pouvons commencer.

Hersende vit arriver vers elle la future anoblie qui venait de quitter son petit cousin. Celui-ci jeta à la Marquise un regard quelque peu attristé puis s'approcha également un peu plus tard, comme avec hésitation.

Bonsoir Kylah! Mes félicitations pour cette superbe tenue. Je vois qu'Arystote vous a déjà informée du déroulement de la cérémonie... Ne vous inquiétez pas, ajouta-t-elle tout bas, je suis certaine que tout se passera parfaitement. Soyez simplement vous même, sincère, et les mots sortiront tous seuls. Mais apparemment vous étiez accompagnée par ce jeune homme que je vois là-bas et qui ne vous quitte pas des yeux... vous me le présenterez à l'issue de la cérémonie?

Puis elle se tourna vers Arystote, répondant à son sourire par un sourire complice. Le jeune garçon assurait avec beaucoup de doigté des tâches fort lourdes pour son âge et son sérieux faisait parfois oublier à sa cousine qu'il n'était pas encore homme fait et avait besoin de sa tendresse. Elle se promit d'essayer de discuter un peu avec lui en privé après la cérémonie. Mais ce n'était plus l'heure de s'attarder : il venait d'avertir la maîtresse des lieux.

Hersende se rapprocha de Sabdel qu'elle n'avait pas encore saluée et fit un signe à Guirre et sa famille toujours assis un peu en retrait.

Eavan eut un regard circulaire. Bien, tous étaient là. Les présentations étaient faites ... La vicomtesse se rapprocha de Kylah et Calanthe. Elle savait Kylah nerveuse. Quoi de plus normal ? La Gaelig posa sa main sur son avant bras, de manière apaisante et avec un sourire rassurant, lui glissa.

Tout va bien se passer. Je vais m'installer sur le fauteuil qui me sert de "trône" et la cérémonie pourra commencer.

Puis Eavan, s'éxécutant, eut un regard pour Arystote. C'était parti. Arrivant près du fauteuil, la vicomtesse s'éclaircit un peu la voix.

Merci à tous d'être venus en ce jour. Si tout va bien, la raison qui nous a réunit aujourd'hui, c'est mon souhait de voir Kylah devenir ma vassale. Si ce n'est pas la raison de votre présence, restez quand même. Plus on est de fous ...

Léger sourire et de s'asseoir.

Plus sérieusement. Nous allons commencer.

Kylah d'Aureliano-Tournier, l'Ourse de Toulon, mon amie, avance s'il te plait.

Eavan se doutait bien de la nervosité que pouvait ressentir Kylah. La vicomtesse, elle même, était tendue. C'était un jour heureux et elle souhaitait que tout se passe au mieux. Et son amie était à la hauteur. Une fois qu'elle se fut agenouillée, Eavan demanda à Kylah, d'une voix haute dans laquelle on discernait l'émotion malgré tout.

Souhaites tu être "mon homme" ?

La Gaelig trouva dommage que la phrase "rituelle" ne soit pas plus ouverte à la gente féminine, mais la tradition et la coutume ne se discutent pas le moment venu. Eavan avait hésité longtemps avant de proposer à qui que ce soit de devenir son vassal. Ce n'était pas léger comme engagement. La première fois, Yunette n'avait pas vécu jusqu'à la cérémonie. Une tragédie. Et la Gaelig s'était repliée. Et puis la toulonnaise avait vu en Kylah des qualités qui lui plaisaient énormément. Une particulièrement. La loyauté. Denrée rare. La vicomtesse n'avait pas besoin de s'entourer d'alliés puissants, elle n'avait aucune envie d'avoir des marionnettes pour des jeux de pouvoir ... Non. Elle recherchait la loyauté et la noblesse. Il n'y avait plus que quelques étapes de décorum et de coutume avant que Kylah ne devienne sa vassale.
Qui eut crut qu'Eavan eut pu être aussi tendue ?

Hommage fait, échange du baiser vassalique. Tiens l'ausculum avant le serment... Pris d'un doute Arystote sortit un bout de parchemin de sa poche, identique à celui qu'il avait fait parvenir à Kylah.

Scrogneugneu, marmonna t-il entre ses dents. Si je raconte n'importe quoi aussi...

L'air de rien et comme si tout était parfait, il prit la parole avec un sourire de circonstance. Bon à cause de lui Kylah prêterait allégeance debout mais rien de grave en soi...

Kylah d'Auréliano-Tournier, veuillez à présent prêter serment !

Il s'avança et ouvrit le livre des vertus, l'invitant à poser la paume de sa main avant de prêter allégeance à sa suzeraine. Comme ça même debout ça faisait classe !

Eavan trouvait tout cela un peu étrange. Première fois dans ce rôle là. Première fois qu'elle prononcerait cette partie là du serment. A son tour, la Gaelig posa sa main sur le Livre des Vertus. Le regard droit, sûre d'elle, la vicomtesse répondit.

Moi, Eavan Gaelig, j'accepte votre allégeance. Je vous promet en retour la jouissance des terres de Cornillon Confoux, que je confie à vos bons soins, je vous promet également bonne justice et protection.

Et je jure d'être fidèle à ce serment que je vous fais aujourd'hui.


Puis, Eavan enleva sa main du livre pour faire un léger signe à Felipe. Pour ménager l'effet, le salonais portait un plateau et l'objet sur le plateau était recouvert d'un tissu. Oui, la Gaelig aimait le suspens parfois. Et derrière Felipe, deux gardes avaient été réquisitionnés pour porter un objet plus lourd, de forme cubique.


Kylah, il est coutume pour le suzerain d'offrir un symbole du fief confié. Et je suis sûre de ne pas me tromper en te faisant ces deux présents. Saches que Cornillon Confoux a une richesse. Et elle n'est pas des moindres.

Oui le vouvoiement était passé à la trappe. Un léger geste et Felipe enlevait le tissu pour découvrir un pot en verre. Certes le pot n'était pas le pire qu'on ait vu, mais ce n'était pas le pot, finalement, le plus important. C'était son contenu. La substance ambrée, claire que l'on distinguait ne laissait place à aucun doute ...

Le miel.
Et je suis plutôt satisfaite de confier un fief réputé pour son miel à l'Orsa. Mais, et chacun le sait, le miel ne pousse pas tout seul. Aussi, il me semblait nécessaire de compléter quelque peu ce présent là ...


Les deux gardes amenèrent donc un rûcher qu'ils déposèrent non loin. Et l'image renvoyée était donc un rûcher, en bois, bien fait mais somme toute classique, gardé par deux hommes aux mises sable et argent, noir et blanc, couleurs de Cornillon Confoux.



Kylah, je te confie Cornillon Confoux pour plusieurs raisons. Une et pas des moindres étant que tu l'as bien voulu. Et plus sérieusement, que je sais que tu respecteras ton Verbe, comme tu l'as toujours fait, avec la droiture qui te caractérise.

Si j'ai décidé de te proposer de devenir ma vassale, c'est que j'ai la certitude que tu as pleinement conscience que cela n'est pas uniquement un honneur mais surtout une responsabilité. J'ai la certitude que tu ne prononce pas ton allégeance avec légèreté. Je sais qu'obéissance ne sera pas aveugle, que conseil ne sera pas forcément être de mon avis, et qu'aide se fera contre mon gré s'il le faut.

Ainsi je sais que je pourrais compter sur toi. Comme tu pourras compter sur moi.
A partir d'aujourd'hui, je suis ta suzeraine et tu es ma vassale. Mais avant cela, et pour longtemps encore je l'espère, nous sommes amies.

Kylah, je te confie Cornillon Confoux pour plusieurs raisons. L'une d'elle est que je souhaite que tu y vois un foyer. A partir de ce jour, ce fief est ton fief. J'espère que toute ta famille s'y sentira chez elle. Et je sais que tu le défendras bec et ongles. Je sais ce fief entre de bonnes mains.


Léger sourire. Et d'ajouter plus bas.


Concernant le rûcher ne t'en fais pas. Les deux gardes sont les tiens. Ils sont de Cornillon Confoux et seront ravis de t'escorter là bas quand tu souhaitera découvrir ton domaine.

L'espace d'un instant le Comte devint blême. Un rucher... Il s'attendait déjà à entendre le bourdonnement d'un essaim et à courir comme un fou au milieu de la salle. Rien, heureusement le rucher était vide.

Il pu donc fait signe à un valet d'apporter les armes et la couronne de Kylah pour les lui remettre.

Le valet remit ensuite les armes à Kylah et tendit la couronne à Eavan.

Code:

[img]http://img11.hostingpics.net/pics/744643KylahdAurliano.gif[/img]

Eavan fit un léger signe à Kylah, se sorte que son amie se baisse ou s'agenouille, histoire qu'Eavan puisse déposer avec un minimum d'élégance la couronne sur sa tête. Puis, la vicomtesse prit la couronne qu'on lui présentait sur un petit coussin et la tint un instant au dessus de la tête de Kylah.

Kylah Auréliano Tournier, je te confie le fief de Cornillon Confoux. Que tout le monde saches à présent que tu es Dame de Cornillon Confoux.

Et pour souligner ses mots, la Gaelig y joignit le geste en déposant doucement la couronne avant de faire signe à Kylah qu'elle pouvait se redresser et de reculer d'un pas pour lui laisser un peu d'air.

Félicitations Dame Kylah.

Le sourire était satisfait. C'était quand même classe d'anoblir quelqu'un. La Gaelig allait peut être y prendre goût. Elle espérait que son amie se détente un peu, la partie protocolaire était terminée. Il ne restait plus qu'à recevoir la patente, les félicitations de chacun et d'aller dévaliser les réserves dédiées à la fête.

Longue vie à la Dame de Cornillon-Confou !, dit le jeune Comte lorsque la couronne fut posée.

Il prit alors deux rouleaux de parchemin. Un valet vint lui apporter sceaux et cire qu'il apposa sur le vélin avant de tendre l'une des patentes d'anoblissement à Kylah.

Citation :

De Nous, Yueel-Arystote de Champlecy, Comte de Cassis, Vicomte de Carpentras, en qualité de Héraut d'Armes du Marquisat de Provence,A tout ceux qui liront ou se feront lire, faisons savoir :

Après enquête et étude des titres nobiliaires et droits idoines à cela au sein du Marquisat de Provence, nous certifions par la présente que Kylah d'Auréliano-Tournier [Kylah] s'est vue remettre la Seigneur de Cornillon-Confou, conformément au souhait de sa suzeraine, la Vicomtesse de Salon-de-Provence, Eavan Maeve Gaelig, le vingt-et-un janvier de l'an quatorze cent soixante et un.
Elle jouit ainsi de tous les droits et privilèges liés à cette terre.

En cela, la Dame de Cornillon-Confou peut porter les armes de la Seigneurie, qui sont : " De sable, à une femme d'argent tenant de sa main dextre un croissant du même, ayant sa main senestre fermée, à la réserve de l'index et posée au milieu de l'estomac, l'index vers la pointe."



Afin que nul ne puisse douter de cette lettre de noblesse, nous scellons du sceau de l'Hérauderie de Provence, et signons et scellons de notre main.

Fait et scellé le vingt-et-un janvier de l'an quatorze cent soixante et un, à Avignon,

Puis en souriant

Toutes ces histoires de miel donneraient presque envie d'un verre d'hydromel...