[Salle d'armes] Cousinade

Eavan se permit de précéder son cousin. En son castel, la salle d'armes était la seconde pièce la plus grande, après la salle des cérémonies qui se devait de pouvoir accueillir tantôt les doléances ouvertes à ses gens et tantôt les festivités de la vie nobiliaire. Sauf que jusqu'ici de festivités, il n'y en avait point eu. La salle d'armes n'avait certes pas de dimensions pharaoniques mais il y avait surface à occuper. D'un coté des grandes fenêtres qui juraient un peu avec l'aspect très militaire et rustique du castel vue de l'extérieur. On ne soupçonnait pas, vue du dehors, que les façades du chateau du Puech puissent être ouvertes de belles fenêtres sur cour.
Et grâce à ces fenêtres, la salle d'armes était éclairée tant qu'il y avait du jour. Au mur des fenêtres répondait un mur auquel étaient adossées de larges armoires. Cette salle faisait aussi office d'armurerie pour la vicomtesse et sa garde, d'ailleurs, elle veillait à ce que sa garde n'hésite en aucun cas à disposer de ladite salle.

Eavan embrassa du regard la pièce. Elle y passait beaucoup de temps. En vérité, une fois défaite des atours nécessaires à son rang, vêtue d'une chemise et de braies de coupe sobre, Eavan se sentait bien plus elle même. Au fil des années, le poids de l'épée à la ceinture était devenu naturel et l'usure des poignées de ses armes témoignait de sa pratique régulière.
Là, elle eut un regard pour son cousin, toujours un sourire en coin.

Je vous laisse le choix des armes ? Dans la première armoire vous trouverez mes armes personnelles, faites votre choix.

Machinalement, elle rattacha ses cheveux de sorte qu'ils ne la gênent pas. Puis une fois certaine que c'était bien le cas, elle reprit.

Préférez vous que l'on porte des protections ?

Ayant suivi sa cousine dans les couloirs du château jusqu'à la salle d'armes, Nicolas resta un moment à embrasser les lieux du regard, muet d'admiration. Car la salle était bien plus grande que celle de l'ost dont il avait le souvenir, la seule qu'il ait utilisée en dehors de ses jeunes années au château de Grans. Et bien plus fournie en armes de toutes sortes également. On voyait bien le goût de la Vicomtesse pour les choses militaires. Un brin de bravade ironique dans la voix, il lui répondit enfin:

- des protections?! allons donc où serait le charme si nous ne prenons aucun risque? et puis, à moins que vous ne me brisiez les os, je devrais pouvoir nous soigner en cas de besoin. J'ai ici tout ce qu'il faut.

Déposant dans un coin de la pièce sa besace médicale, emportée au cas où, il retira son surplus de vêtements pour ne rester qu'en bras de chemise et approcha des armoires. Examina ce qui était à leur disposition, grimaçant un peu devant les hallebardes et autres armes d'hast. Ce n'était guère pour lui ça. D'ailleurs, lui, il était plutôt archer à la base alors... que choisir? une épée à la rigueur ferait l'afaire mais, et l'originalité dans tout cela?! Il en était là de ses réflexions quand une dernière armoire attira son regard et le fit sourire, certains souvenirs lui revenant aussitôt. Se retournant:

- mmm eh bien, je ne sais si cela vous ira mais un simple bâton peut parfois se révéler arme cruelle. Je l'ai appris il y à deux ans. A mes dépends d'ailleurs! On pourrait commencer par un échauffement de ce type, et passer à une arme de votre choix ensuite?

Prenant alors un long manche d'à peu près sa taille, il le soupesa, s'écarta de l'armoire et effectua quelques moulinets avant de l'adopter.
Et de regarder Eavan pour voir ce qu'elle en dirait.

Eavan apprécia le "courage" de son cousin. Pas de protection. Très bien, ils seraient plus légers et puis l'idée n'était pas de se faire mal. Et le choix des armes s'associa tout à fait à cette idée. Le bâton. Si simple et pourtant ... La gestion de la longueur d'un bâton était mal aisée et nécessitait un peu d'entrainement. Elle opina.

La vicomtesse succéda à son cousin devant l'armoire pour se saisir elle aussi d'un long manche. Même gestuelle et exercices que Nicolas. Satisfaite, elle fit signe à son cousin qu'elle était tout à fait prête et se mit en position, en garde.

Je vous préviens dès maintenant, nous terminerons par l'épée à deux mains, précisa-t-elle avec un sourire en pensant à Lucillus.

Et puis son visage se ferma. Rien à voir avec ses traits au cours d'une bataille ou d'un combat réel mais l'heure du verbe venait de céder la place à celle de l'action et à la concentration. La vicomtesse attendit que son cousin soit en place, prêt également, puis, sans attendre davantage, elle donna l'entame.
Au début très réservée dans ses coups, elle fit montre de prudence. On ne sous estime jamais un adversaire, jamais. Peu à peu elle prit en assurance et ses coups se firent plus francs. La Gaelig ne frappait pas fort, mais tentait de frapper avec précision.

Nicolas opina de la tête. Il se doutait bien qu'elle voudrait le tester avec une épée. Une autre tradition...
Il y alla de son petit commentaire:

- j'ai bien fait de venir avec mon épée familiale alors... une vieille connaissance pour vous, je n'en doute pas...

Voyant la concentration gagner le visage de la vicomtesse, le d'Andrésy n'en dit pas plus et délaissa toute fanfaronnade pour l'imiter. D'autant que les premières frappes ne tardèrent pas et qu'il dût s'employer au mieux pour les parer sans se découvrir.

Se souvenant de son apprentissage à Grans, il commença à tourner à petits pas à senestre, décrivant comme un cercle avec sa cousine qui le suivait dans son mouvement. Maintenant toujours la distance juste du bâton. Rompant en arrière après une parade pour la forcer à prendre des risques. Cassant la distance vers l'avant d'un pas plus vif au moment de ses attaques, mais revenant bien vite en position.

Lui aussi se voulait prudent malgré sa tendance à l'impulsivité. Il savait son "adversaire" rouée à toutes sortes de combats, a priori bien plus que lui, malgré sa jeunesse à l'OPP. Leur danse dura par conséquent un bon moment, avec une alternance de coups mesurés, testant les défenses et réactions de l'autre.

Et puis... et puis il se décida à une attaque classique, plus osée car il se découvrait, technique dont il avait gardé un souvenir précis de deux ans en arrière...
Il profita d'un énième déplacement latéral pour abaisser son arme et l'empoigna par l'une de ses extrémités. Lui imprima un mouvement de balayage visant les jambes d'Eavan. Il se doutait bien que cela ne suffirait pas à la déstabiliser mais il espérait que cela lui ouvrirait d'autres opportunités dans la foulée...

» [Salle d'Armes] Le Maitre et l'Elève